Dans l'Antiquité
Les anciens
ont-ils connu l'art de l'émaillerie, c'est à dire l'art d'émailler
les métaux ?
L'art d'émailler a été porté à un haut
degré de perfection chez les Egyptiens et dans les différents
peuples asiatiques. D'après les découvertes archéologiques,
il semble que les plus anciens émaux datent d'environ 1500 ans avant
notre ère. Des statuettes de terre émaillées ont par
exemple été retrouvées a Babylone ou à Ninive,
en Egypte. Les grecs utilisaient aussi des pâtes colorées fondues
dans des cloisonnés.
Mais l'émaillerie sur métaux est plus problématique.
Ces civilisations ont-elles su émailler les émaux ? De très
fortes raisons sont en faveur de la négative.
En Egypte
La thèse
soutenant que l'émaillerie existait en Egypte s'appuie sur la découverte
de pièces enrichies d'émail. Les experts sont formels, il s'agit
bel et bien d'émail véritable.
Mais plusieurs remarques doivent être faites :
Des bracelets cloisonnés avec une finesse extraordinaire ont certes
été retrouvés mais ces bijoux peuvent très bien
avoir été importés ou exécutés par des
artistes étrangers ayant gardé jalousement le secret de cette
fabrication. Cette idée se défend très bien dans la mesure
où les artistes égyptiens n'ont fait que des imitations très
habiles de l'émail, et ce au prix d'un travail extraordinaire qui devait
coûter très cher.
Si les Egyptiens connaissaient les procédés de l'émaillerie,
on peut penser qu'ils auraient utilisé cette technique peu onéreuse
pour des figurines, symboles et objets de culte usuels, de même que
pour les statues, si souvent ornées de pierres, de bronze et d'ivoire.
Enfin, les dessins délicats ne renferment la plupart du temps que des
pâtes de verre découpées, du lapis-lazuli ou des mastics
colorés (les statuettes retrouvées à Alexandrie sont
chargées de verroteries avec un mastic).
En Grèce
Même
chose en Grèce. Les bijoux sont bien cloisonnés avec art d'or
soudé sur une plaque de métal mais ils contiennent généralement
que des perles colorées (souffre opaque mis en fusion) et non de l'émail
véritable.
Codin, un écrivain du XVe siècle, dans son ouvrage sur les émaux,
rapporte que la statue du poète Méandre, haute de 15 coudée
et large de 8 coudées, était en argent et émaillée.
Il ya donc deux hypothèses : la première serait que l'art de
l'émail ait été en vogue dans l'antiquité et qu'au
siècle de Périclès, cette technique ait été
en défaveur, pour une raison ou une autre. La seconde hypothèse
correspond à l'idée avancée plus haut pour le cas de
l'Egypte : l'émail est venu d'un autre pays.
Quel est alors le peuple qui possédait le secret de l'émail
?
Certainement pas l'Europe qui, à cette époque, n'était
qu'une contrée presque déserte et plongée dans la barbarie.
Par contre, l'Assyrie, la Chaldée, la Perse et l'Inde renfermaient
des peuples dont la civilisation était très ancienne. Les fouilles
nous apprendront peut être si ces pays ont bien été les
premiers à utiliser l'émail sur métaux.
Les débuts de l'émaillerie en Occident
L'émail connaît un essor important en Europe au cours des deux derniers siècles av. J.-C.. L'émail est alors employé dans l'ornement des bijoux et des fibules. Les archéologues ont retrouvé un bel exemple d'atelier d'émaillerie sur bronze en fouillant le site Celte de l'ancienne Bibracte, capitale des Éduens, dans le Morvan.
L'essor de l'émail
Émail
cloisonné et champlevé
Venant
de Byzance, la technique des cloisonnés se répand à partir
du VIe siècle. L'émail est fondu sur du métal précieux
et les cloisonnés restent généralement de faibles dimensions.
Les musées et les églises conservent un nombre considérable
d'émaux byzantins, ottoniens et carolingiens. On peut citer, Parmi
les plus belles, l'aiguière de l'abbaye de Saint-Maurice d'Agaune (Suisse),
la reliure de l'Évangéliaire de Metz (Paris, Bibliothèque
nationale) et le Paliotto de Saint-Ambroise (Milan).
L'émail champlevé s'impose en Occident au XIIe siècle.
Trois principaux centres de production sont généralement citées
: mosane (Liège), rhénane (Cologne) et limousine. On trouve
aussi différents ateliers à Troyes et Laon en France, Warwick
en Angleterre ou encore Burgos en Espagne. Les émaux limousins, les
plus réputés, sont destinés à toute la chrétienté.
Il s'agit essentiellement d'objets religieux : calices, crosses, burettes
... Les icônes, d'abord émaillés sur fond de cuivre, seront
par la suite ciselés ou oeuvrés en ronde bosse sur fond d'émail,
comme le ciboire de l'orfèvre et émailleur Alpais (Louvre).
Les émaux cloisonnés connaissent un nouvel essor au XIVe siècle
en Italie. Les italiens commencent à faire des travaux sur d'émaux
translucides sur des supports en relief (le plus souvent sur argent.). Ce
nouveau procédé, surtout pratiqué par les artistes siennois
et florentins, connut une rapide expansion (le pratiquera plus tard en France,
en Allemagne ou aux Pays-Bas). L'uvre la plus célèbre
de l'époque est le reliquaire de Bolsena (cathédrale d'Orvieto).
L'émail peint
Vers la
fin du XVe siècle, une nouvelle technique apparaît : celle des
émaux peints. L'origine de ce procédé est sans doute
italienne, mais le centre de production le plus réputé redevient
Limoges à partir du XVe siècle.
Les sujets sont ceux de la Renaissance : motifs religieux portraits ou représentations
mythologiques). Beaucoup d'émaux sont attribués à Nardon
Pénicaud. Le style " " serait le mot juste pour qualifier
bien des émaux de la fin du Xve.
Les émailleurs limousins appartiennent souvent à des dynasties,
à des familles qui ont une longue tradition dans l'émaillerie
ou les vitraux. Chaque famille conserve jalousement ses secrets professionnels.
De véritables corporations se forment, avec des règlements bien
particuliers.
La production
des émaux commence à décliner à partir des XVIIe
et XVIIIe siècles. Les émaux ne sont plus utilisés à
des uvres de grande taille, mais réservés à la
décoration d'objets familiers comme les montres, les tabatières
ou les coffrets...
Certains artistes (Picasso ou George Braque par exemple) continueront à
utiliser l'émail au XXe siècle, sans toutefois entraîner
un véritable renouveau.
L'émail, qui, nous avons eu l'occasion de le souligner, a occupé
une place importante dans l'histoire de l'art, est aujourd'hui en voie de
disparition. Bien souvent imité et banalisé, l'émaillerie
artisanale essaie de survivre avec la minutie et la patience qu'elle exige.
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